Un oeuf, deux héritages culturels
Ou comment j'ai renoué avec tout ce qui me compose + des idées de plats "sains" que ma fille a aimés + un mini guide de Sifnos à télécharger. English text below
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Au menu de Pâques : vous comprendrez mieux cette photographie et le titre mystérieux de cette newsletter en allant lire le texte un peu plus bas. Vous trouverez à la suite des idées de plats « sains » qui ont enthousiasmé mon adolescente cette semaine ainsi qu’un mini guide de Sifnos à télécharger avec plein d’adresses et d’informations utiles pour vos prochaines vacances dans les Cyclades… La version audio de cette newsletter que j’ai enregistrée spécialement pour vous ainsi que sa traduction en anglais sont réservées aux abonnés payant de ma Newsletter.
Charles Guirriec va vous redonner le goût de la mer !
S’il est désormais facile de trouver des légumes issus de l’agriculture locale ou de connaitre les conditions d’élevage d’une volaille, qu’en est-il des poissons qui atterrissent dans nos assiettes ? Depuis 2013, le fondateur de Poiscaille, Charles Guirriec, veille à mettre les consommateurs en lien direct avec des pêcheurs français respectueux de la mer et des océans. Après avoir travaillé au Ministère de l’Agriculture à la direction des pêches, cet ingénieur de formation a créé la « version marine du panier de légumes ». Chaque semaine (ou deux fois par mois selon son abonnement), on peut commander un « casier de la mer » rempli de poissons frais et vidés, prêts à passer au four ainsi que des coquillages d’exception. Ensuite, on n’a plus qu’à aller le chercher dans l’un des commerces partenaires de Poiscaille. Le concept a déjà séduit près de trente mille abonnés. J’avais envie que Charles nous raconte son parcours mais aussi qu’il nous dise quels sont les poissons à privilégier lorsqu’on fait ses courses. Comment encourager la pêche artisanale ? Faut-il arrêter de manger du poisson pour protéger les océans ou bien découvrir des variétés oubliées ? Comment sortir du trio cabillaud/saumon/crevettes ? Dans le dernier épisode de mon podcast, vous comprendrez pourquoi le poisson est si coûteux et vous ne regarderez plus jamais un bateau de pêcheurs de la même façon. Le podcast est précédé d’une courte méditation qui devrait vous embarquer… au bord de l’eau ! Vous pouvez écouter l'épisode sur Acast, Apple Podcasts, Deezer et Spotify ou sur Substack.
Prochains rendez-vous en ligne et en vrai
Si vous êtes abonnés à ma plateforme Lili Barbery TV, j’ai téléchargé deux nouveaux cours : « Take care of your viscères + Light of the soul » (60 minutes) et « Shine bright and spread your light » (90 minutes). Ces deux séances sont ultra bénéfiques ! Prochain cours « en vrai » le dimanche 27 avril à la Villa Gypsy de 18h15 à 19h15, j’ai encore quelques places disponibles, écrivez-moi à contact@lilibarbery.com si vous souhaitez participer. Je prends aussi les demandes d’inscriptions pour le dimanche 4 mai, même heure, même tarif (25€ par personne). Si vous êtes trop loin pour me rejoindre et que vous voulez commencer à suivre mes cours en ligne, profitez de la promotion du moment. Avec le code de réduction COMEBACK :
L’abonnement d’1 an passe à 210€ (au lieu de 250€ - réduction appliquée sur le premier prélèvement).
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L’abonnement mensuel à 21€/mois au lieu de 25€/mois (la réduction est appliquée chaque mois).
Un œuf, deux héritages culturels
Comme souvent en avril, la Pâques chrétienne est tombée au même moment que la fin des fêtes juives de Pessa’h. Je n’ai célébré ni la première ni la seconde. Pourtant, j’ai hérité à la naissance de ces deux traditions. Mon père ne nous a jamais emmenés à l’église quand nous étions enfants. Mes souvenirs de lui sont de plus en plus lointains – trente-cinq ans déjà que son corps a cessé de vivre – mais je suis certaine qu’il portait son athéisme comme une légion d’honneur épinglée au col d’un Général. Il s’était affranchi de ce que lui avaient enseigné les Jésuites tout comme ma grand-mère, pourtant si pieuse. Après sa mort, j’aimais beaucoup passer Pâques avec elle justement. Elle m’embarquait à toutes les messes, du vendredi jusqu’au lundi. Je me rappelle une veillée fabuleuse à la bougie mais aussi les fleurs de printemps qui saturaient l’église de Poissy d’un parfum de pollen le jour de la résurrection. C’était beaucoup plus gai qu’à Noël. Ma grand-mère qui souriait rarement était très joyeuse pour Pâques. Elle attendait ce moment avec impatience. Il signait le début de l’année pour elle. Le commencement. La naissance des possibles. La résurrection. Elle achetait une petite poule en chocolat noir pour chacun de ses petits-enfants et glissait un billet de cinq cents francs orné d’un portrait de Pascal dans une enveloppe, ce qui représentait une véritable fortune. Aucun souvenir de chasse aux œufs avec elle mais celui de l’agneau pascal est resté intact tout comme celui des prières chantées que je connais encore par cœur.
Terrorisée à l’idée qu’on la traite différemment des autres ou qu’on nous fasse du mal, ma mère a toujours caché qu’elle était juive. Nous avions, mon frère et moi, l’interdiction de divulguer cette information. Tout ce qui concernait ses origines devait être tu, en toutes circonstances. Pour s’assurer de notre silence, elle nous racontait constamment en détails ce qu’on avait fait des enfants juifs pendant la seconde guerre mondiale lorsque nous étions petits. Autant dire qu’on n’a jamais moufté dans la cour de récré. Pourtant, j’aurais bien aimé parler du plateau du Séder et de tous les rituels « magiques » que j’observais lorsque nous rejoignions mes oncles, mes tantes et mes cousins maternels pour Pessa’h. Je ne comprenais rien à la langue prononcée par mon oncle mais les syllabes Baroukataadonaï… me paraissaient aussi savoureuses qu’un Abracadabra. Dans un très grand plat circulaire, la mère de ma mère disposait les éléments de la prière avant l’arrivée des invités. Des herbes amères, un œuf, des galettes craquantes qui remplaçaient le pain levé pendant quelques jours, un os d’agneau grillé, une purée de fruits secs et de noix, de grandes feuilles de salade romaine. Je me trompe peut-être, pardonnez-moi, c’était il y a longtemps. Il y avait aussi un bol d’eau salé sur la table et du vin. La prière me semblait interminable et l’obligation de rester sages tout du long nous conduisait inévitablement, mes cousins et moi, à des fous-rire d’anthologie. Je n’étais pas attentive aux récits ni aux explications des hommes qui lisaient les prières. Souvent, ils s’aidaient d’un magnétophone dans lequel une cassette audio indiquait toutes les instructions en hébreu puis en français. Cela ralentissait encore la manœuvre et il y avait toujours des disputes entre les adultes sur la bonne manière de conduire la prière. J’aimais cependant qu’on fasse tourner le plateau au-dessus de ma tête et toute la symbolique de la libération des souffrances et de l’esclavage. Je notais aussi qu’en dépit des différences entre les deux cultes, l’agneau comme l’œuf formaient un pont invisible qui me rassurait.
À l’adolescence, j’ai choisi l’agnosticisme avec conviction. L’existence de Dieu me semblait plus qu’inconcevable. Elle m’était insupportable. J’étais d’ailleurs très fière de cette émancipation. Alors que mes cousines et cousins préparaient respectivement leur communion ou leur bar-mitsvah, mon absence de croyance signifiait, selon moi, mon entrée dans l’âge de raison. Le divorce de mes parents ainsi que le décès de mon père m’ont éloignée de sa famille. Quelques années plus tard, j’ai décidé de me tenir à distance de ma mère avec laquelle les rapports étaient devenus trop douloureux. J’ai arraché les liens comme un sparadrap sur la bouche d’un otage. Je ne voulais pas prendre le risque qu’on me culpabilise d’avoir fait ce choix ni qu’on essaie de me convaincre d’en changer. Alors, je n’ai plus revu les membres de ma famille maternelle. On se connaissait mal, on se voyait peu, ça m’a semblé plus facile de claquer la porte sans me retourner à toute ma lignée.
Qui aurait cru qu’au cours de cette semaine festive pour les Chrétiens et les Juifs, la vie, qui m’a rapprochée de ma mère ces derniers mois, mette sur mon chemin une de